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lundi 2 mars 2015

Sortie ciné : Jupiter Ascending, de Andy et Lana Wachowski



Retour des Wachowski au cinéma, presque plus tôt qu'on ne l'espérait après la gestation chaotique et l'échec commercial de Cloud Atlas (dont on a pu lire qu'un montage inédit de 4 heures était autrement plus satisfaisant). Difficile de savoir comment les Wachowski ont convaincu le studio Warner Bros de financer leur nouvel opus, mais force est de constater qu'ils ont fait les choses en grand : Jupiter Ascending est une fantaisie frondeuse, une revisitation du mythe de l'élu (dont ils sont particulièrement friands) habillée des oripeaux du space opéra où l'on découvre, dans des séquences d'ouvertures assez frontales, que Jupiter Jones (Mila Kunis), jeune fille née de l'immigration et installée aux États-Unis, est l'héritière extra-terrestre du trône de… la Terre.

Totalement inconsciente de son statut, Jupiter voit un jour débarquer un mercenaire chargé de la protéger d'une fratrie royale extra-terrestre qui charge à s'attribuer ses droits envers la planète. De là, le personnage doit s'élever (le "ascending" du titre anglais) pour se révéler à lui-même et progresser vers un nouveau plan. De ce postulat de base, les Wachowski ont poussé les manettes à fond et offrent un spectacle luxueux, aux lueurs criardes et parfois kitsch, où se mêlent des choix esthétiques douteux, mais aussi une ambition invraisemblable et des concepts géniaux glanés ça et là au détour de certains plans fabuleux (les abeilles, la mémoire terrienne rendue "sélective", et au détour d'un plan, les crop circles laissés dans les champs de maïs). Bref, il y a un peu de tout dans Jupiter Ascending et comme souvent dans la filmographie des Wachowski, il faut souvent passer outre la méfiance instinctive qui prend le dessus pour accepter de se laisser guider et surprendre.

Si le film manque de développer proprement ses personnages pour nous faire ressentir leurs troubles et leurs hésitations (malgré cette ouverture, comme on disait, terriblement frontale), les réalisateurs usent d'une honnêteté proprement désarmante dans chacune de leurs séquences. Les concepts forains se succèdent les uns aux autres mais ne dissimulent pas pour autant l'extrême délicatesse avec laquelle les réalisateurs échafaudent la relation naissante entre Caine (Channing Tatum) et Jupiter, où la jeune femme prend clairement le contrôle de la relation dans des têtes-à-têtes certes archétypaux mais charmants.

Et alors que la campagne marketing bat son plein et se méprend quant aux intentions du film, il convient de réaliser comme celui-ci est orienté vers une audience féminine malgré ses atours guerriers : Jupiter est une femme de ménage qui découvre qu'elle est en fait de sang royal, elle se retrouve transportée dans un monde féérique, qui plus est assistée d'un guerrier prêt à mourir pour elle - plus loyal qu'un chien (on ne commente pas négativement, le personnage est effectivement croisé avec les gênes d'un loup). On est de plein-pied dans le conte de fées et les Wachowski ne reculent devant rien pour assoir leur vision et représenter le faste de dynasties hyper développées mais aussi corrompues jusqu'à l'os. Et ce faisant, de faire de leur héroïne un personnage honnête et droit, découvrant peu à peu les mystères, les horreurs et la beauté de ces autres mondes dont elle ne soupçonnait pas l'existence. Jupiter garde un œil ébloui sur ce qui l'entoure et le film épouse parfaitement cette sensibilité, des premiers moments où la jeune femme assiste, émerveillée, aux miracles intervenant autour d'elle, jusqu'à la fin du métrage où elle risque enfin un petit "I could get use to this".

Nous, non, on ne s'y fera pas : il y a une beauté fourmillante incroyable chez les Wacho

Malgré son côté légèrement pompeux, le film reste tellement ludique que les Wachowski se risquent à y glisser un humour fort à propos ; dans l'une de ses séquences 'au repos' où l'administration infernale en mode Brazil en prend pour son grade, Terry Gilliam fait un caméo surréaliste. Et après une poursuite ébouriffante à Chicago, les réalisateurs convoquent la philosophie orientale et le concept de libre arbitre dont jouit leur personnage principal, avant de rejouer les grands moments d'actions de Matrix Revolutions dans un final étourdissant visuellement... bref, il y a comme un tour du propriétaire dans cet ultime ride de la fratrie.

Certes Jupiter Ascending est boiteux, mais il fait partie de ses derniers représentants de gros films de studios dont l'ambition narrative et esthétique est proprement renversante. Malheureusement, le public ne suit pas et les Wachowski concédaient récemment ne sans doute plus pouvoir être à même de bâtir de nouveaux mondes de cette ampleur… où qu'on les retrouve (apparemment sur Netflix), ce sera avec plaisir et curiosité.



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