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mardi 8 mai 2012

Sortic ciné : The Avengers, de Joss Whedon


En 2010, Matthew Vaughn (réalisateur de Stardust et Kick Ass) annonçait pompeusement la fin du film de super-héros alors qu'il s'apprêtait lui-même à sortir X-Men First Class, relecture du premier groupe de mutants. Deux ans après, les doutes sur le genre s'effacent, et c'est une forme d'accomplissement qui prend forme alors que la Marvel parvient à concrétiser sur grand écran le groupe terminal de super-héros originels, non sans énormément de travail en amont. 

Avengers, Mondo, Tyler Stout, Whedon, Buffy,

Quand Joss Whedon a accédé au poste de réalisateur sur The Avengers, nombreux ont été ceux à y voir la première bonne décision des studios Marvel, encaissés depuis des années dans la facilité d'une production passe-partout malgré les choix d'amener dans leurs girons des personnalités comme Kenneth Branagh (Thor) et Joe Johnston (Captain America, un héros terriblement difficile à marketer de nos jours). Avec ce choix, c'est 5 années de projets ciné pour Marvel qui trouve enfin un aboutissement : mettre en scène les Vengeurs, un groupe de héros hétéroclites évoluant dans les comics depuis des décennies. Et embaucher Joss Whedon sur un film de groupe, c'était l'assurance de s'adresser à la bonne personne : fan-boy absolu, tête de gondole geek et scénariste de comics à ses heures, il a supervisé la suite des aventures de Buffy en comics et s'est occupé des Astonishing X-Men, redonnant aux mutants leurs lettres de noblesse dans un medium qu'il comprend et respecte. 
Si ses incursions dans le cinéma ont été moins couronnées de succès que le cadre de la série télé qui l'a vu naître (et ce, malgré les annulations de Firefly et Dollhouse), les avertis savent que Joss Whedon est en général, l'homme de la situation, un gars plus auteur que artisan et qui sait fournir un travail propre, ambitieux et souvent follement inspiré.

Avec en guise d'introductions un ou deux films consacrés à chaque héros principaux, The Avengers part avec tout un arsenal de situations envisageables et de possibilités ludiques, le travail de mise en bouche déjà fait en amont : le côté cool d'un milliardaire fêlé et alcoolique, l'assimilation hybride d'un dieu nordique dans le genre super-héroïque, l'énième retour du colosse de jade et de ses crises de colère, et enfin, la résurrection d'un soldat du passé, rendu esseulé par sa propre nature, en conflit avec ce nouveau monde.

Big badaboom.

Pour ajouter au plaisir, Joss Whedon pioche dans la version Ultimate des héros (scénarisée par l'écossais Mark Millar, instigateur de Kick Ass) et en extrait la Veuve Noire, zappant presque instantanément son apparition catastrophique dans Iron Man 2, introduit son compagnon d'arme Œil de Faucon et resserre son intrigue sur les dysfonctionnements d'un groupe de personnages qui n'auraient jamais dû se rencontrer. C'est dans cette dynamique que le film devient très bon, jonglant toujours entre second degré et décalages inhérents aux personnages (playboy cynique/guerrier mythologique), tout en prenant le temps de passer en revue les batailles d’égos surdimensionnés, menaçant de tout faire capoter, joutes de corps et d'esprits justifiées pendant un temps par une pirouette de Loki.

Nécessitant quand même une demie-heure de rodage pour caler ses héros forains (situations trop familières, montage faiblard inquiétant de prime abord), The Avengers finit par prendre le large à bord de l'Heliporter pour ne plus jamais se laisser distancier. Les scènes intermédiaires à bord du vaisseau du SHIELD condensent l'essentiel des problématiques de personnages très riches et hauts en couleurs, correctement exploités malgré un humour omniprésent qui finit par provoquer une certaine distance. En décrochage permanent avec l'atmosphère qu'il essaie d'instaurer, Whedon les laisse souvent se mesurer les uns aux autres et si la dérision est de mise (et est bienvenue), l'ironie pointe aussi parfois le bout de son nez. 
La remise à niveau de leur propre (in)humanité en cours de chemin, si elle est schématique, reste pourtant émouvante et symptomatique du genre, permettant au film d'accéder à un second palier où montent significativement la pression et les enjeux du film. 

Cap et Iron Man, deux leaders naturels anachroniques l'un pour l'autre.

Fidèle à sa capacité à mettre en valeur des personnages de femme forte (de Buffy à Echo), Joss Whedon prend le temps d'exploiter correctement la Veuve Noire et de la resituer dans un contexte d'agent secret plus terre-à-terre, complémentaire aux fonctions des autres héros bigger than life. Le complément qu'elle compose avec Œil de Faucon (et leur histoire commune jamais dévoilée) rend l'équipe plus actuelle, moins mystique et foncièrement plus badass. On pourra juste regretter qu'en autre personnage archétypale féminin, le personnage de Maria Hill, bras droit de Nick Fury, soit à ce point inconséquent quand dans le comics, elle prend une dimension intéressante, ici noyée par la fonction du directeur du SHIELD.
Succédant à Edward Norton, brouillé avec les studios, Mark Ruffalo donne à Bruce Banner une dimension humaine quasiment inédite où il parvient en quelques plans à faire oublier ses homologues et à donner à son personnage une importance discrète mais posée ; au travers d'abord d'une première scène de dialogue avec la Veuve Noire, et lors d'une métamorphose presque bouleversante en plein champ de bataille où est synthétisée en quelques paroles toute l'horreur de son fardeau tragique.

Malgré le déploiement fastueux de ses séquences guerrières, les scènes sont lisibles et accrocheuses ; il faut se laisser aller un moment pour apprécier Thor et les poses de Jeremy Renner (Œil de faucon), mais le plaisir communicatif à voir tout ce monde s'ébrouer sur l'écran est bien réel - quand bien même le nouveau costume de Captain America est une véritable horreur par rapport à la combinaison de barbouze qu'il arborait dans le film de Joe Johnston. On ressort galvanisé de ces affrontements entre dieux modernes, même dans le corps-à-corps, considérablement plus valorisant (surtout quand c'est la doublure de Scarlett Johansson qui s'y colle) : le film prend des airs de fresque épique qui n'a pas peur de se lancer dans les figures les plus improbables pour assurer le spectacle (cf sa bataille finale), et ce, malgré une photographie anonyme et un peu moche, et un score paresseux de Alan Silvestri.
La mise en scène de Whedon, qu'on attendait au tournant, donne enfin au groupe toute la grandeur d'un pugilat global parfaitement agencé (surtout dans ses dernières 45 minutes), privilège auquel même les X-Men n'ont pas eu droit en pourtant 4 films.

Ça rigole sur fond vert.
Dans son final, le film s'empare de Manhattan et s'en sert comme champ de bataille, renouant instinctivement avec le grand film catastrophe où les menaces seraient maintenant des demi-dieux, des aliens et des milliardaires aux égos démesurés enfermés dans des armures.
Le pétaradant Avengers revient alors à un essentiel de film plus positif, par l'agrégat de ses molécules instables, pleines de couleurs, volontairement anachroniques... tandis que chez la concurrence, Christopher Nolan s'apprête à piéger tout le monde dans un glauque poisseux avec la conclusion de son cycle consacré à Batman. Cet élan positiviste propre aux Avengers sonne comme une revanche au trama américain des années 2000, tablant sur un alliance contre-nature pour relever la tête avec humour et frapper fort. Une réalité reprise en écho par Tony Stark, énonçant dans une punchline belliqueuse que s'ils ne peuvent sauver la Terre, ils la vengeront. Étrange diction que de reconnaître que l'affrontement passe aussi par la défaite (la leur), mais perspicace, tandis que Manhattan s'écroule autour d'eux dans un triste écho au passé.

Les fans des bonus de fin de générique, typiques chez Marvel, ne manqueront pas de rester quelques secondes de plus pour se délecter d'une promesse encore plus énorme ; les américains, condamnés à ne découvrir The Avengers que 10 jours après le public européen, pourront eux se consoler d'une scène supplémentaire post-générique, pour l'instant uniquement disponible sur les copies américaines (aucune grosse information à l'horizon, juste une scène comique pour clôturer les réjouissances).
En tous cas, c'est une belle revanche de Joss Whedon sur le système, alors qu'on l'avait débarqué il y a quelques années d'un autre projet de super-héros (et de femme forte), en la personne de Wonder Woman. Et à l'heure qu'il est, The Avengers est en train de s'imposer en mastodonte du box-office, écrasant les derniers records détenus jusqu'alors par The Dark Knight, les Harry Potter, et The Hunger Games (sorti fin mars, on rappelle).


Trailer (sur un air de Nine Inch Nails, comme souvent en ce moment):

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